Avec une moyenne de 160 milles visites par jour, ce qui le classe en septième position des sites internet algériens les plus visités, Ouedkniss.com, le premier site algérien de petites annonces commerciales est entrain de négocier le virage de la grande entreprise. Retour sur un succès qui a de l’avenir.
Ils ont entre 22 et 23 ans et ils sont déjà à la tête de la première entreprise « virtuelle » en Algérie. « Pas si virtuelle que ça », précise Soudah Hichem étudiant en pharmacie et cofondateur avec quatre copains d’Ouedkniss.com. « Désormais, nous sommes une société qui propose et gère des annonces et des publicités avec registre de commerce bien réel et qui a un nom, OK prod. Ouedkniss est un nom qui nous appartient aussi… » « Nous avons également ce bureau… », renchérit Djamel Dib, l’autre fondateur, étudiant à l’INPS.
Le bureau en question, ne se trouve pas, comme on pourrait s’y attendre, à Oued Kniss, le quartier mythique qui a inspiré le nom. Ils sont à Kouba, un peu loin de ce vieux marché de l’occasion qui était jadis dans la « banlieue » mais qui se retrouve au « milieu » de la ville. Ils sont précisément à Vieux Kouba, quartier résidentiel très calme fait de maisons coloniales plutôt bien entretenues. Sur un des portails, une pancarte sur laquelle on reconnait, bien que légèrement décoloré, le logo du site. Cela fait quelque chose. C’est une première en Algérie de voir prendre réellement forme une marque née et visible exclusivement sur internet.
C’est un modeste garage « jadis cybercafé » aménagé avec le strict minimum, mais assez pour faire sérieux : peinture blanche mate, fauteuils noirs brillants, deux bureaux avec ordinateurs et imprimantes, un écran plat accroché au mur. Sur le mur d’en face, la seule touche colorée, un tableau en Pixel Art sur lequel sont affichés les principales « startups Web du monde qui ont réussies » (Ebay, Amazon, Yahoo…). L’ambition à portée du regard.
Entre 1500 et 2000 nouvelles annonces quotidiennes
C’était en 2006. Des jeunes lycéens se retrouvent souvent sur internet. Entre jeux vidéo et chat, ils se mettent à plancher sur l’idée de créer un site de vente et d’achat pour les produits d’occasion. Bouaouina Ahmed, Benmouffok Mohamed Amine et Bouzid Mehdi Mounis lancent, avec les deux autres comparses, une première version du site. « Le nom Ouedkniss est venu comme ça. On cherchait un nom et on avait entendu dire que le marché de Oued Kniss était menacé de fermeture. C’était une occasion de le rouvrir » se rappelle Djamel. Les débuts se font timides. Jusqu’à la parution d’un article dans le quotidien El Watan. « Le lendemain, nous avons enregistré un pic de mille connexions sur notre site alors qu’on tournait jusque-là à quelques dizaines ».
Les annonces se sont elles aussi multipliées passant « de 20 à 30, 40.. Aujourd’hui, nous avons entre 1500 et 2000 nouvelles annonces jour ». Tout en étant très prudent. La charte d’utilisation est pleine d’interdits et elle accorde les pleins pouvoirs aux administrateurs qui peuvent refuser n’importe quelle annonce. On précise : il n’y a pas de partenariat direct entre l’utilisateur et le site. Ces verrous ne l’ont pas empêché de devenir, à partir de 2007, un incontournable du web algérien. Tout le monde en parle, les uns en vivent et d’autres s’y intéressent de plus près.
5 000 dinars pour commencer …
5 000 dinars pour commencer …
« Les premiers à nous avoir aidé c’est une boite de communication, Publiciste, chez qui on allait demander conseil, que Dieu les récompense. Nous avons eu ensuite un deal avec notre hébergeur internet Ayrade. Un hébergement gratuit contre un bandeau publicitaire. Le premier à nous avoir payé, c’était l’agence immobilière Algim qui avait déboursé 5000 DA pour une insertion publicitaire » se souvent Hichem. En 2008, Med and Com, une jeune entreprise de communication qui se spécialise directement dans l’annonce publicitaire sur internet, se propose d’accompagner l’équipe de Ouedkniss. « Nassim Lounes, le responsable de cette boite, nous a imposé de nous développer et d’avoir un statut juridique pour pouvoir négocier, dans les règles, les annonces publicitaires avec des clients » précise Djamel.
En 2010, pour tout ce qui est publicité sur le site, ils ont signé un partenariat avec Med and Com. Des publicités - les plus petits espaces rapportent 15000 DA semaine par annonceur- qui permettent d’avoir un chiffre d’affaire « positif ». On n’en saura pas plus sur le chiffre, mais c’est assez suffisant pour donner le sourire à notre interlocuteur. Un revenu qui a permis de rembourser la location du bureau pendant une année « le gros de l’investissement de départ » et de la renouveler pour une autre année et bien plus encore… Mais la publicité est instable. L’équipe pense alors à d’autres moyens pour « avancer, durer... ». Elle se concentre depuis quelques mois sur le nouveau tournant de leur entreprise : la professionnalisation.
En Algérie, ils inventent les boutiques en ligne
« Nous, on sait que le paiement en ligne, s’il est un jour mis en place en Algérie, n’est pas près de changer nos habitudes », déclare d’un air assuré Soudah Hichem. On savait avant le site et avec l’expérience du site, que les algériens préfèrent acheter et vendre comptant, c’est pour cette raison que nous avons lancé notre formule pour les professionnels ». Baptisée Store, la formule est un abonnement allant de 1000 à 5000 DA par mois.
Cela donne au client le droit à son propre mini-site et à une identité graphique propre à lui. Elle lui octroie aussi un nom de domaine comprenant directement son nom. « Nous l’avons offert gratuitement à l’essai pour les plus grands utilisateurs (vendeurs) de Ouedkniss, confie Djamel. Ils sont tous revenus souscrire, cela leur donne une réelle crédibilité, comme une vraie boutique. Aujourd’hui, nous avons plus de 120 abonnés, beaucoup d’agences immobilières, mais pas seulement ». On trouve de tout en effet. Un vendeur de meuble qui prône dans la présentation de sa boutique que « le commerce en islam, c’est la volonté des deux personnes et l’honnêteté » (le paiement en ligne n’a qu’à bien se tenir) ; un autre se fait appeler le « Che » et vend toutes sortes de lunettes et de montres, ici l’heure de la révolution affiche clairement les affaires, un vendeur et réparateur de décodeurs satellites… Et, bien sûr le secteur de l’habillement qui marche très bien à coté des leaders que sont l’automobile et l’immobilier.
Ouedkniss.com n'attend pas e-algérie 2013 |
« Pas la peine d’attendre le paiement en ligne »
Youyacou store est une boutique (virtuelle) de vêtements, elle appartient à un jeune étudiant de Bouzareah qui vient d’obtenir sa licence. Pour lui cette nouvelle formule lui permet en effet d’avoir plus de clients qui se déplacent directement chez lui. Il affirme avoir multiplié ses ventes. Il n’a pourtant pas de magasin et n’utilise Ouedkniss.com que depuis 7 mois, mais cela lui permet de bien gagner sa vie en attendant de faire quelque chose de son diplôme. Yacine, qui n’a pas pensé à prendre cette formule arrive à vendre tout ce qui lui tombe sous la main sur Ouedkniss. " A chaque fois, nous dit-il, je suis le premier surpris des mes ventes" « Grâce à notre site, les femmes aussi peuvent réinvestir le marché, vendre leurs voitures, ordinateurs ou autres » déclare fièrement Hichem qui compte ouvrir une pharmacie plus tard tout en continuant cette aventure le plus possible.
« Chez Ouedkniss nous ne pensons pas qu’il soit judicieux d’attendre les solutions de paiement en ligne toute prête pour entamer l’aventure e-commerce ». Ses amis approuvent. Le message est clair, la e-Algérie n’attend déjà plus 2013.
Enquête de Samir Hir
Source : (http://www.maghrebemergent.info/)